Hurl – L’Hiver qui Marche - PARTIE II

Avant de commencer je viens de penser mais j’espère que vous lisez les article avec un pti fond de musique epic pour bien vous mettre dans l'ambiance ahah, je vous conseil ce lien pour cet article et bonne lecture : https://www.youtube.com/watch?v=LUO5qhpD2pA&t=3121s


La cour de la citadelle



À peine les derniers guerriers avaient-ils passé les arches de la cour principale que le sol sembla frémir, comme si Givrebois elle-même retenait son souffle. Ragnar, à la tête de la colonne, ralentit. Il y avait quelque chose dans l’air. Un silence. Un calme étrange, contre nature.

Puis, derrière eux… le fracas.

Les portes. Les énormes portes de fer et de bois noir se refermèrent d’un seul coup, dans un grondement sourd. Ce fut comme si le monde extérieur n’existait plus. Le rugissement des batailles s’éteignit, remplacé par le silence épais d’une tombe.

« En formation ! » hurla Bjorn.

Mais il était déjà trop tard.

Un cri, non… un hurlement, traversa les cieux, glaçant chaque os, chaque cœur.

Ragnar leva les yeux.

Et le ciel lui répondit.

Un colosse de givre fendit les nuages. Une créature ailée, d’un blanc spectral, faite de glace et de crystal. Ses ailes couvraient la moitié du ciel visible, son souffle soulevait la neige à son passage. Un dragon. Un gardien ancien des Jarl. Un mythe devenu chair.

Et il tombait droit sur eux.

Il s’écrasa au centre de la cour dans un déluge de glace et d’éclats. Des dizaines de guerriers furent projetés contre les murs, broyés, ensevelis, gelés vifs. Le sol se fendit, le sang gicla sur les pierres froides. Le choc fut si violent que même les frères perdirent l’équilibre.

« Boucliers ! Boucliers ! » cria Turl, alors qu’un nouveau rugissement fit trembler les murs.

Puis, des éclats de lumière surgirent aux sommets des remparts.

Des mages. Une trentaine au moins, placés tout autour de la cour, en arc parfait. Leurs mains s’illuminèrent d’une même magie : la givre, la foudre, l’ombre. Des projectiles déchirèrent l’air, pleuvant sur les soldats de l’intérieur, les décimant méthodiquement. C’était un massacre organisé. Le piège était parfait. Millimétré. Froid.

« Ils nous attendaient… tout ce temps… » souffla Gurl, le visage en sang.

Ragnar, déjà en train de repousser un assaut du dragon à l’aide de sa magie, serra les dents. Il sentait la terreur remonter en lui. Mais il n’avait pas le droit de flancher. Pas maintenant.

« Ils savaient qu’on viendrait ici. Que c’était le plan. Ils veulent tous nous enterrer, ici et maintenant. »

La créature battit des ailes et relâcha un souffle de givre, un torrent d’hiver si pur qu’il figea hommes, armes, boucliers, dans une prison de cristal blanc. Les hurlements se mêlèrent aux craquements des corps gelés qui se brisaient en éclats.

Ils se regroupèrent, formant un cercle autour des survivants. La magie crépitait autour d’eux, les assaillants étaient partout. Le dragon, insatiable, rugissait à chaque frappe. Les mages, implacables, poursuivaient leur massacre. C’était un vrai cauchemar. Mais au milieu de cette mêlée, dans l'enfer glacé de la cour, alors que les cris et les râles formaient une symphonie de désespoir, Bjorn leva les yeux vers le ciel et il vu ... Sur le dos du dragon se dressait une silhouette.

Un cavalier. vétu d’un acier sombre, couronné d’un heaume aux cornes de givre., et dans ses yeux, même à cette distance, Bjorn perçut une chose plus terrible encore que la magie. Un homme. Ou ce qu’il en restait.

Quelqu’un montait le dragon.

Bjorn n’en croyait pas ses yeux. « Quel genre de monstre peut chevaucher une bête pareille… »

Mais ce n’était pas le moment de flancher. Il se retourna, le regard brûlant, et cria à ses frères par-dessus le vacarme :

« Il y a un cavalier ! Ce n’est pas une bête libre, il est dirigé ! Tant qu’il sera en selle, ce dragon ne tombera pas ! »

Les yeux de Turl s'écarquillèrent. Gurl serra sa lame. Et déjà les deux comprenaient.

« Alors il faut l’abattre. Mais avant ça, ces mages vont nous faucher comme du blé si on ne les fait pas taire ! »

Sans plus attendre, Turl et Gurl, chacun à la tête d’une poignée d’élus, s’élancèrent vers les escaliers de pierre menant aux remparts. Leurs boucliers levés, leurs cœurs battant à tout rompre. Chaque marche gravie était un pari contre la mort. En bas, la cour se transformait en cimetière. Et en haut, l’orage attendait.

Les mages de givre, silhouettes encapuchonnées aux mains étincelantes, les virent venir. Des traits de glace fusèrent, explosant les pierres, éventrant les malchanceux. Certains hommes de Gurl furent figés sur place, statues mortes dans un monde en furie. Mais rien ne pouvait les arrêter. Arrivés en haut Turl, fou de rage, taillait dans les rangs ennemis avec une brutalité sans pareille. Sa hache fendait l’air et les crânes. Il attrapa un mage par la gorge, le jeta du haut du rempart, et hurla de rage en continuant sa course. Gurl, plus méthodique, enchaînait les attaques précises, jusqu’à ce qu’un mage, dissimulé derrière un pilier de glace, lance une javeline de givre.

Le projectile transperça son épaule droite avec un bruit sec. Gurl s’effondra à genoux, la bouche pleine de sang, le souffle coupé. La douleur lui fit perdre la vue un instant. Mais ses hommes le protégèrent aussitôt, encerclant l’agresseur, l’abattant dans un torrent de cris et de lames.

Gurl, malgré la blessure, se redressa, haletant, les dents serrées.

« Pas maintenant… pas ici… »

Il attrapa son épée de la main gauche et continua à se battre, bancal mais indomptable.

Finalement, les mages tombèrent un à un. Les remparts furent nettoyés.



Au même instant où Turl et Gurl déchaînaient leur colère sur les remparts, Ragnar et Bjorn passèrent à l’action, le regard fixé sur la bête qui ravageait la cour.

Les ailes du dragon balayaient l’air comme des tempêtes et secouait la pierre de la citadelle. Autour de lui, des dizaines d’hommes gisaient, broyés, calcinés ou gelés par le souffle maudit de la bête. Mais Ragnar n’hésita pas.

Il leva sa main, fit jaillir de sa paume une lumière d’un bleu incandescent, une magie ancienne, pure, transmise par son père, nourrie par son propre feu intérieur. Des arcs de pouvoir éclatèrent dans l’air, frappant le dragon à l’aile, à l’épaule, au flanc. Le monstre rugit. Il avait compris que devant lui se dressait un guerrier capable de le blesser. Un homme déstiné à devenir une legende.

Pendant ce temps, Bjorn n’avait pas attendu.

Tandis que le dragon se cabrait sous les assauts de Ragnar, il s’élança, glissant sous une patte qui s’abattait comme un tronc d’arbre, escaladant une carcasse gelée, bondissant d’un mur effondré vers l’échine massive de la créature. Il courait en pleine tempête, ses pas défiant les lois de la peur, ses doigts s’accrochant à chaque partie gelée du dos de la bête. Il grimpa. Le vent lui frappait le visage. Le rugissement lui brisait les tympans. Mais il ne pensait plus. Il était mouvement. Et devant lui, à quelques mètres, le cavalier.

Le maître de la bête, trop absorbé par les assauts de Ragnar, n’avait rien vu venir. Il manœuvrait le dragon d’un harnais incrusté de runes, les yeux braqués sur la cour. Bjorn arriva derrière lui. Silencieux comme la mort. Un battement de cœur. Une inspiration.

Et dans un seul geste, il tira sa lame, et trancha la gorge du cavalier d’un coup net, le sang éclaboussant la glace. Le corps bascula lentement, comme au ralenti, et s’écrasa au sol dans un bruit sourd. le cadavre du cavalier venait à peine de heurter le sol que le dragon poussa un hurlement titanesque, un cri si ancien et terrifiant qu’il semblait avoir été arraché aux entrailles du monde.

Et Bjorn, sans réfléchir, attrapa les rênes.

« Par tous les esprits… qu’est-ce que je fais ? »

Ses mains se refermèrent sur le harnais de pierre runique. Il sentit une décharge le traverser, une connexion étrange. Le dragon se cabra de plus belle, cherchant son maître, prêt à se libérer dans une explosion de rage.

Bjorn avait à peine eu le temps de s’emparer des rênes. Le cuir noirci de magie brûlait ses paumes. La bête, privée de son maître, se cabra dans les airs, ses ailes déployées comme deux voiles d’ombre, et prit son envol.

Dans la cour, les hommes levèrent les yeux, figés, sidérés. Ragnar lui-même ne sut quoi faire. Gurl, la lance toujours plantée dans l’épaule, murmura :

« Bjorn… ? »

Mais son frère avait déjà disparu dans le ciel.

Bjorn hurlait, ses cheveux fouettés par les vents, ses bras cramponnés au harnais vivant de la créature. Le dragon volait comme une tempête déchaînée, tourbillonnant, vrillant, s’élevant toujours plus haut. Il voulait le désarçonner, l’écraser contre les rochers, le projeter dans le vide.

Mais Bjorn ne lâcha pas.

« TU NE M’AURAS PAS ! »

Il serra les dents, s’enfonça plus profondément sur l’échine glacée du dragon, ignorant les morsures du vent, les giclées de givre, les gémissements de son propre corps.

Et soudain… tout se figea.

Un souffle. Un vertige.

Une voix.

« Pourquoi tiens-tu tant à vivre, petit homme ? »

La voix résonnait en lui, comme un tambour dans son âme. C’était ancien, immense. Glacial et brûlant à la fois. Bjorn ne répondit pas tout de suite. Il ouvrit les yeux. Autour de lui, le ciel. Le silence.

« Tu ne peux me soumettre. Aucun homme ne le peut. »

« Je ne… veux rien de toi. » dit-il entre deux souffles. « Je veux juste redescendre. Et que tu ne blesses plus mes frères. C’est tout. Repose-moi. Et pars. »

Un grognement. Un grondement terrible, qui vibra jusque dans ses os.

« Voilà qui serait noble, si je n’était pas si naïf. Vous êtes tous pareils. Faux. Manipulateurs. Les miens ont été soumis, torturés, réduits au silence par vos mages et leurs chaînes de magie noire. Mon esprit… a été violé. Pendant des années. Et toi ? Tu montes sur mon dos avec une lame. Et tu penses que j’oublierai ? »

Bjorn ferma les yeux. La vérité de cette souffrance était insupportable à entendre.

Mais quand il les rouvrit, son regard n’était pas celui d’un héros. C’était celui d’un homme honnête.

« Tu as raison. Je ne mérite pas ta confiance. Aucun d’entre nous ne le mérite. Mais je ne suis pas venu pour t’enchaîner. Je ne suis pas ton ennemi. Je t’ai vu… et tu m’as vu. Ce que l’homme t’a fait est impardonnable. Mais je ne suis pas venu pour prendre. Je te le jure : si tu me poses au sol… je ne chercherai jamais à te dominer. »

Il marqua une pause. Puis ajouta, doucement :

« Si un jour tu veux revenir… je serai là. Libre. Toi aussi. »

Silence. Un long moment suspendu.

Puis… une respiration.

« Tu veux que je sois libre ? Alors écoute bien, petit homme. Je ne suis pas ton destrier. Je ne suis pas ton arme. Je suis une tempête Et la liberté est dans ma nature. »
« Mais en toi… je sens un feu que je n’ai pas croisé depuis longtemps. Alors je vais t’accorder une chose. »
« Je vais t’accorder… ma confiance. Une seule fois. »

Et dans un souffle lent, le dragon descendit.

Son vol devint calme, maîtrisé. Comme porté par une brise invisible. Les remparts réapparurent à l’horizon. La cour, le combat, la citadelle. Les cris, les sorts, la guerre.

Lorsque les soldats virent le dragon planer au-dessus d’eux avec Bjorn encore sur son dos, ils crurent à une malédiction.

Mais le monstre se posa en silence. Bjorn glissa au sol, les bottes dans la neige, et ne tourna pas le dos. Il leva les yeux vers la créature.

« Merci. »

Et dans un dernier rugissement, le dragon prit son envol, non plus comme une bête enragée, mais comme un esprit libre. Il s’éleva dans le ciel, fendit les nuages, et disparut dans les hauteurs blanches.

Bjorn tomba à genoux. Essoufflé. Tremblant.

Mais il avait survécu. Et dans les jours, les années à venir… ce moment ne cesserait jamais d’être conté. Le jour où un homme n’avait pas soumis un dragon, mais l’avait convaincu de le laisser vivre. Le jour où Bjorn Dragonson fut né.

 

L’Ascension de Givrebois 

Autour d’Hurl, ses guerriers tombaient un à un sous les coups d’une élite barfienne impitoyable. Les hommes de Skarn, les Champions du Givre combattaient comme des légendes. Chacun d’eux suffisait à briser une ligne entières à lui seul. Leurs mouvements étaient précis, froids, méthodiques. Aucun cri, aucune colère : seulement la mort silencieuse, tranchante comme la glace. Et derrière eux… Skarn.

Le bras droit d’Ube, légende vivante, était là, campé sur ses jambes puissantes. Son armure runique scintillait à chaque pulsation de magie, et ses yeux, aussi pâles que le ciel d’hiver, fixaient Hurl avec une intensité glaçante.

Autour d’eux, les Champions du Givre frappaient sans relâche. Le sol était rouge, les cris assourdissants. Hurl, le souffle court, regarda ses hommes tomber. Il savait que chaque minute perdue à cette porte, c’était cent hommes morts, c’était ses fils isolés, c’était la guerre qui basculait.

Alors il n’attendit pas.

Il s’élança.

Sa hache fondit sur Skarn dans un rugissement terrible. Le choc fut immédiat. Les armes se rencontrèrent dans un fracas titanesque. La neige explosa autour d’eux à chaque impact. Chaque coup de Skarn était une tempête, chaque esquive d’Hurl une danse sur le fil du rasoir. Skarn dominait la puissance brute, Hurl l’intelligence et la rage.

Le duel dura de longues minutes, au milieu du chaos de la bataille. Leurs mouvements étaient si féroces que même les soldats autour cessèrent de se battre pour regarder.

Skarn frappait avec une précision inhumaine, tailladant l’épaule d’Hurl, puis son flanc. Hurl chut une fois, se releva. Rechuta, se releva encore. Il crachait du sang, mais ne lâchait rien.

Puis, dans un élan de brutalité, Skarn planta son épée dans le sol, brisant la terre, forçant Hurl à reculer. Le bras de givre d’Hurl s’illumina alors d’un éclat surnaturel. Le vieux guerrier ferma les yeux un instant, respirant profondément. Et à cet instant, Hurl sentit quelque chose s’élever en lui. Un feu doux. L’image de Rin, le rire de ses enfants, le regard de Ragnar.

Dans un cri qui résonna jusque sur les remparts, Hurl libéra toute la magie glaciale accumulée dans son bras. Il s’élança, encaissa une dernière frappe de Skarn en pleine poitrine, son armure explosa sous l’impact, mais continua malgré tout, et dans un dernier hurlement…

il trancha Skarn en deux.

Le guerrier d’élite n’eut même pas le temps de comprendre. Son corps s’effondra dans la neige rouge, figé dans un masque de surprise.

Mais Hurl tomba aussi à genoux. Il saignait abondamment. Ses côtes étaient brisées, sa chair ouverte. Le givre de son bras se fissurait à vue d’œil. Autour de lui, un silence sacré s’imposa. Même les plus braves guerriers ennemis reculèrent d’un pas.

Hurl n’était plus seulement un homme. Il était devenu une légende vivante. Un dieu de guerre né de la douleur, de l’amour, et du refus d’abandonner.



Au meme moment, les lourdes portes de Givrebois, forgées dans le fer des anciens, s’ouvrirent dans un grondement sourd. Ragnar, Bjorn, Turl et Gurl apparaissaient, porteurs d’une gloire nouvelle, haletants, les armes fumantes et les regards incandescents.

Leur percée venait d’ouvrir la voie.

L’armée d’Hurl, restée à l’entrée, retenant sa fureur sous la menace des murs se déchaîna enfin. Des centaines de guerriers s’élancèrent dans la cité, hurlant de rage, de fatigue, de triomphe. Les rangs ennemis, coupés en deux, perdirent tout repère. Les soldats restants déposaient les armes ou fuyaient dans les ruelles gelées. Certains se rendirent en silence, comprenant que la guerre était presque perdue.

Mais la guerre n’était pas terminée.

Non. Car le Jarl Ube vivait encore. Retiré dans la salle du Trône Glacé, tout en haut de la cité, il attendait son heure. Et pour l’atteindre, il fallait gravir les escaliers, ces marches ancestrales taillées à même la montagne, aussi larges que des routes, menant au cœur de Givrebois.

Ces escaliers n’étaient pas vides.

Ils étaient gardés. Serrés, compactés, tels une barrière vivante, les derniers guerriers d’élite du Jarl se tenaient là, impassibles. Des visages marqués, des yeux sans pitié. Ils n’avaient plus rien à perdre. Ils allaient tenir, ou mourir debout, comme les anciens.

Hurl, soutenu par ses fils, se dressa..

Il ne tenait plus sur ses deux jambes sans trembler. Du sang coulait sous son armure, le bras de givre était fissuré, sa chair râpée. Et pourtant, son regard n’avait jamais été aussi clair. Il posa une main sur l’épaule de Ragnar.

« Le chemin est devant nous, mon fils. Ce que nous ferons maintenant… personne ne l’oubliera jamais. »

Ragnar hocha la tête, le visage grave. Derrière eux, les hommes s’étaient arrêtés. Tous savaient. Tous comprenaient. C’était l’ultime mur.

Alors Hurl leva sa hache une dernière fois.

« POUR LE SANG DE L’HIVER ! POUR LA FIN DES CHAÎNES ! »

Le cri déchira l’air comme un orage, repris aussitôt par ses fils, puis par les soldats. Et ils montèrent.

L’assaut fut terrible. Chaque marche était un champ de mort. Les guerriers d’élite d’Ube se battaient comme des démons. Chacun d’eux valait une dizaine d’hommes. Le sol se couvrait de corps, de flammes, de givre et de rage.

Hurl combattait comme un dieu blessé. Il fauchait, frappait, abattait ses ennemis sans répit, chaque coup creusant un peu plus sa tombe, mais ouvrant le chemin à ses fils. Bjorn tenait les hauteurs, couvrant ses frères de ses tirs magiques. Turl et Gurl, bien qu’épuisés, combattaient avec la force des désespérés. Ragnar, au centre, devenait peu à peu l’image de son père : intrépide, implacable, inébranlable. Et enfin, après un combat digne des légendes, après avoir perdu des centaines de braves, ils parvinrent au sommet.

La grande porte de la salle du trône se dressait là, close, gardée par deux statues antiques. Hurl s’avança, épuisé, haletant, soutenu par son fils. Il posa sa main de givre contre le bois noir… et la glace se répandit dans les veines du portail, le fendant lentement, majestueusement.

La porte tomba dans un fracas de givre.

Et à l’intérieur… Ube les attendait.

Assis sur le Trône de Givre. Sa main sur son épée. Les yeux pleins d’une tristesse qu’aucun mot ne pouvait effacer. Il se leva.

Et dit simplement :

— « Venez. Le dernier acte nous attend. »

 

Dernier acte

La salle du Trône n’avait rien d’un palais. C’était un cercle de pierre brute, creusé dans le cœur même de la montagne. Froid. Nu. Solennel. Au fond, perché sur une estrade sculptée dans la glace, trônait le siège du Jarl, sur lequel Ube se tenait, les deux mains posées sur son épée fichée devant lui.

Mais il n’était pas seul.

Derrière et autour de lui, alignés dans une formation silencieuse, se dressaient ses frères d’armes.
Des légendes vivantes. Des survivants des grandes guerres. Des compagnons d’enfance d’Ube.
Des visages burinés, aux yeux sans peur. Certains avaient enseigné à Hurl, d’autres l’avaient affronté jadis.

Et chacun d’eux était prêt à mourir ici.

Hurl avança lentement dans la salle, suivi de Ragnar, Bjorn, Turl, Gurl, et des chefs de clans rebelles. Il n’y en avait pas plus d’une vingtaine. Pas plus que leurs opposants. Deux mondes. Deux héritages.

Le silence régna. Long. Dense. Poids d’acier sur la poitrine.

Puis, Ube parla, sa voix résonnant dans l’enceinte de pierre.

« Nous avons tous connu les mêmes hivers. Les mêmes pertes. Les mêmes chants. Nous avons vu nos pères tomber. Nos frères geler dans la nuit. Nous avons grandi dans la haine pour ne pas être dévorés. Et pourtant… nous voilà ici. Prêts à tuer ceux qui furent des nôtres. »

Il planta son regard dans celui d’Hurl.

« Je ne regrette rien. Mais je regrette que ce soit toi, Hurl ... je pensais que ce jour viendrai, mais de l'exterieur, pas d'un frere. »

Celui-ci avança encore d’un pas. Son bras de givre craquait à chaque mouvement. Sa silhouette imposante paraissait plus grande encore sous le feu vacillant des torches.

« Moi aussi. Ce royaume n’aurait pas dû finir ainsi. J’ai combattu pour le changer, pas pour le détruire. Mais vous avez choisi de ne pas écouter. »

Il marqua une pause.

« Et maintenant… il ne reste plus que le fer. »

Ube acquiesça d’un hochement de tête. Aucun discours. Aucun traité. C’était trop tard.

Les deux hommes dégainèrent leurs armes.

Et dans un hurlement de rage et de douleur, la rixe éclata.

Pas d’armées. Pas de lignes. Un chaos de chair, de sang et d’acier. Des vétérans aux pouvoirs terrifiants, déchaînés dans un espace clos. Les murs eux-mêmes semblaient hurler sous la violence des chocs.

Gurl, blessé, peinait à rester debout. Turl, infatigable, tenait tete à son adversaire, un vieux cousin du Jarl Ube. Ragnar quant à lui était au duel face au chef des Troll de kum.

Il ne s’attendait pas à tomber sur une créature de légende pareil.

Mais Kurma, le Troll géant du Nord, était bien là. Plus de quatre mètres de muscles et de haine, le corps couvert de cicatrices, une peau épaisse comme du roc, et dans les mains un totem sacré de la taille d’un arbre, orné de crânes et de cordes. Un seul de ses coups pouvait briser dix os d’un seul guerrier.

Kurma poussa un rugissement bestial et frappa le sol de son totem. Le sol se fissura sous ses pieds.

Ragnar serra les dents.

Le combat débuta. Ragnar esquivait, roulait, bondissait comme un loup des montagnes. Kurma, massif, écrasait tout autour de lui. Chacun de ses coups était un tremblement de terre.

Mais Ragnar ne céda pas.

Il se souvenait de l’enseignement de son père. De la dureté. De la précision. De la foi.

Kurma le frappa en plein flanc. Ragnar sentit ses côtes craquer. Il tomba à genoux, crachant du sang. Mais il ne flancha pas. Il leva les yeux. Et hurla toute sa douleur et sa rage dans un cri primal qui ébranla même le troll.

Puis, utilisant la magie héritée de son père, Ragnar figea une partie du totem dans un éclat de glace, le bloquant un instant, juste assez pour bondir sur Kurma, grimper sur son dos malgré la douleur, et lui enfoncer sa lame dans la nuque, jusqu’à la garde. Le géant tomba, lentement, avec un grognement d’animal blessé. Ragnar se releva, chancelant.

Et là, son regard croisa le totem de Kurma. Immense. Brutal. Mais aussi majestueux. Un objet de tradition, de fierté et de puissance. Ragnar comprit ce que cette arme représentait. Et il se dit que pour le restant de ses jours il aimerai se battre comme Kurma. Mais pour l'instant, il fallait gagner cette guerre.



Au cœur de la salle du trône, l’acier rencontrait l’acier dans une symphonie funèbre. Hurl et Ube échangeaient des coups depuis de longues minutes, chacun résistant à la fatigue par pur instinct.En temps normal Hurl aurait surement prit l'avantage, mais avec toutes les blessures et la fatigue qu'il avait accumulé, il faisait jeu égal avec le Jarl. Aucun ne flanchait. Aucun ne cédait. Deux titans liés par le respect, mais séparés par une vision du monde.

Tout autour d’eux, leurs frères d’armes tombaient un à un, des noms qui avaient traversé les hivers et les chants, fauchés dans cette dernière danse. Le sang s’éparpillait sur les dalles glacées.

Et malgré tout… aucun des deux camps ne prenait l’avantage.

Mais alors que tout semblait figé dans cette impasse tragique, un pas brisa l’équilibre.

Ragnar.

Il venait de mettre à terre Kurma, le troll de guerre, et s’élança dans la mêlée. Le fils d’Hurl fendit la bataille, ignorant les regards choqués, les lois même de Barf.

Un duel d’honneur ne se rompt pas. C’est un sacrilège.
Mais
Ragnar avait déjà brisé les chaînes une fois. Et il recommencerait.

« Je ne vous laisserai pas mourir seul, père. »

Et ainsi, père et fils se battirent côte à côte.
Leurs armes frappaient en rythme. Leur souffle s’accordait.
Un instant de grâce dans le tumulte.

Ube vacillait. Le vieux roi semblait enfin faiblir sous les assauts conjoints de l’ancien monde et du nouveau. Ragnar, grisé par cette énergie, cette pulsation guerrière, voulut finir. Il leva sa lame, son bras vibrant de puissance, l’élan de la jeunesse hurlant en lui qu’il pouvait y arriver, maintenant. Mais le Jarl, n’avait pas dit son dernier mot.

Ube n’était pas encore vaincu.

Il tourna, fluide malgré les années, glissa entre les deux combattants, sa lame fendant l’air avec une précision terrifiante. Ragnar avait laissé une ouverture, minuscule, mais pour un vétéran comme Ube, c’était une faille béante. Et alors, tout bascula.

Le tranchant de la lame du Jarl fondit sur Ragnar.

Il n’eut pas le temps de réagir. Il vit à peine l’acier. Juste une lumière, un éclat.

Et puis…

Le monde s’arrêta.

Un bruit sourd. Comme une montagne qui s’effondre.
Et un flot de sang.

Ce n’était pas Ragnar qui avait été touché.

C’était Hurl.

Il s’était jeté entre eux.

Le coup l’avait transpercé de part en part.

Son bras de givre, cette arme légendaire qu’il portait depuis tant d’années, avait volé en éclats, réduit en fragments par la puissance du coup.
Son
épaule, arrachée.
Son
torse, fendu.
Son
souffle, haché, sifflant, déchirant.
Le sang jaillit.

Un silence absolu s’imposa.

Même les combattants encore en vie, même les épées encore levées… tous se figèrent.

Ragnar tomba à genoux, les yeux écarquillés, la gorge nouée par une douleur qu’aucun cri ne pouvait exprimer.

« P… Père ? »

Hurl resta debout un instant.

Une seconde de trop.

Comme si son corps, encore porté par la volonté, refusait de céder.

Ses yeux croisèrent ceux de son fils. Et dans ce regard, Ragnar vit l’amour absolu, le même qu’il avait vu, enfant, quand son père venait le border après un cauchemar.
Un regard de paix. Un regard de pardon.

Puis… Hurl s’effondra.

Le géant tomba à genoux.
Lentement. Dignement.

Et dans ce moment suspendu, Ube aussi comprit.

Son regard s’était figé sur le corps d’Hurl.

Il ne leva pas son arme.
Il était là, bras tendu, figé comme une statue, incapable de comprendre ce qu’il venait de vivre.

Un père venait de se sacrifier pour un fils.

Et cela… cela défiait toutes les lois de Barf. Toutes les règles du vieux monde. Car dans les lois de Barf, un père ne protège pas un fils. Un père tombe pour la gloire. Pas pour l’amour.

Ragnar, au sol, vit le corps de son père s’effondrer, dans un dernier souffle.

Il ne comprit pas tout de suite.

Il entendit le dernier soupir de Hurl, et vit le regard d’Ube, troublé.
Et alors… alors il sut.

C’était l’instant. Ragnar ne réfléchit pas.

D’un bond, il saisit son arme, encore tremblant, encore en larmes…

Son corps bougea seul.

L’épée s’abattit. D’un coup net, froid et précis, il transperça Ube.

Le sang jaillit une dernière fois.

Ube ne résista pas. Il regarda Ragnar, les yeux grands ouverts… et comprit.

Ce n’était pas la force brute qui l’avait vaincu.
C’était la
volonté de changer. C’était l’amour d’un père, le feu sacré d’un homme qui voulait briser les chaînes de la haine.

Ube s’effondra à son tour.

Et le silence retomba, cette fois pour de bon.

Un roi venait de mourir. Un monde venait de s’éteindre. Et un autre… venait de naître dans les bras d’un fils en larmes.

 

L’air était lourd, saturé du sang versé, des cendres, et de cette douleur que seuls les vivants portent.

Ragnar tomba à genoux, glissant aux côtés du corps mutilé de son père. Il le prit dans ses bras, serrant son torse ensanglanté contre lui comme pour le retenir, comme pour empêcher l’inévitable. Hurl vivait encore.

Son souffle était faible, brisé. Chaque inspiration était un combat, chaque mot arraché à la mort elle-même. Son visage, pourtant, était calme. Serein. Comme si tout le poids de sa vie venait enfin de se déposer. Ragnar murmura, les yeux noyés de larmes :

« Père… non… je… j’ai… »

Mais Hurl leva lentement une main tremblante et couverte de sang pour effleurer la joue de son fils.

Sa voix n’était plus qu’un murmure, un souffle.

« Tu n’as rien à regretter… Ragnar. Rien. »

Ses yeux balayèrent la pièce lentement. Les visages de ses autres fils, Turl, Gurl, Bjorn, penchés autour de lui, à genoux. Tous meurtris. Tous silencieux. Tous le cœur brisé.

« Mes fils… mes joyaux… je vous ai vu grandir… je vous ai aimé plus que… plus que ce monde ne sait aimer… »

Il toussa violemment. Du sang coula de ses lèvres. Mais il continua, sa voix plus faible, plus lente, comme une flamme qui vacille.

« J’ai passé ma vie à… survivre. À marcher dans un monde de glace, de coups, de silence et de haine… J’ai cru que je ne deviendrais qu’un monstre… Comme mon père. »

Ses doigts agrippèrent l’avant-bras de Ragnar, comme pour s’y ancrer.

« Mais vous m’avez sauvé. Vous… chacun de vous… Vous m’avez rendu humain. »

Un silence, seulement brisé par le crépitement d’une torche.

« Je voulais briser le cycle. Vous offrir… une vie… que je n’ai jamais eue. Un monde où un fils n’a pas à tuer son père… pour devenir un homme. Vous, vous l'avez sauvé pour devenir des hommes... »

Ses yeux, déjà voilés, croisèrent ceux de Ragnar une dernière fois.

« Tu es ce monde, Ragnar. Toi… et tes frères. Vous êtes… la réponse. Ne laissez personne… vous l’arracher. »

Sa main glissa de la joue de son fils.

Sa tête retomba doucement contre le sol de pierre.

Et dans un dernier souffle, presque un soupir :

« Je suis fier de vous… »

Puis, plus rien.

Hurl, le père, le chef, le rebelle, rejoignit les anciens dans le silence des montagnes.

Et dans cette salle, au cœur de Givrebois, les fils restèrent là, immobiles, le cœur à vif, les yeux pleins d’un deuil que les chants de guerre ne pourront jamais recouvrir.

 

Épilogue – Le Sang des Hurlson 

Lorsque le vent tomba sur les cimes de Givrebois, lorsque les tambours se turent et que les épées furent plantées dans la terre enneigée, le royaume de Barf ne fut plus jamais le même.

Ube fut entérré dignement et avec respect, et avec lui, les dernières racines d’un ancien monde. Un monde où la force dictait le droit, où les pères devaient mourir pour que leurs fils existent, où le froid des traditions tuait plus sûrement que l’hiver lui-même.

Ragnar Hurlson ne se dressa pas sur un trône.

Il ne réclama ni couronne, ni titre, ni hommage. Il s’adressa simplement à son peuple.

Le message qu'il fit passer à travers tout Barf disait :
« Je ne suis pas votre roi. Je suis votre frère. Et je n’hériterai pas d’un monde de chaînes. À partir d’aujourd’hui, aucun homme ne devra tuer son sang pour avoir le droit de vivre. »

Il fit ce que personne avant lui avaient osé :
Il
abolit la Loi des Anciens, supprima le droit du duel de succession, rendit chaque village maître de son destin, et bâtit un nouveau Barf, non sur la cendre des anciens, mais sur l’héritage du sacrifice de son père.

Les clans, d’abord méfiants, finirent par tendre l’oreille. Non parce qu’il parlait fort, mais parce qu’il agissait. Il ne gouverna jamais par la peur. Il ne gouverna d'ailleurs jamais et refusa d'etre un leader. Il voulait faire de Barf un peuple libre. Jamais par la force, mais par la conviction.

Et même les derniers fidèles de feu le Jarl Ube finirent par admettre que peut-être, oui… peut-être, le fils du rebelle portait un souffle de vérité dans sa voix.

Mais cette victoire n’était qu’un commencement.

Car l’hiver approchait, plus rude que tous les précédents.

Et au-delà des montagnes, d’autres royaumes guettaient Barf, des terres où la neige est noire, des cieux où les etre sont d'une puissance presque divine, où Les seigneurs rêvent d’annexer ce petit royaume du nord désormais affaibli par sa paix naissante.

La marche glaciale de leurs pere venait de prendre fin, mais la legendre des Hurlson ne faisait que commencer. Leurs pas résonneraient encore longtemps dans les vallées gelées de Safir.


MESSAGE

Merci d’avoir pris le temps de lire cette longue histoire autour d’Hurl.
J’espère de tout cœur que ça vous a plu. N’hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé — ce que vous avez aimé, ce que vous avez moins aimé, ce qui vous a marqué.
Il y a évidemment plein d’aspects que j’aurais aimé développer encore plus, mais je pense que c’était déjà suffisamment dense comme ça 😅

J’espère aussi pouvoir continuer cette aventure, raconter la suite des fils Hurlson, et en faire des personnages importants dans l’histoire plus vaste de Safir.

Merci encore pour votre soutien et vos retours 🙏

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